Blues ou dépression hivernale?

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A l’entrée de l’hiver, nous sommes nombreux à connaître un coup de blues, et c’est chaque année la même chose… Certains – heureusement moins nombreux – présentent même des signes de dépression. Mais tous souffrent, à des degrés divers, de ce que l’on appelle le trouble affectif saisonnier. En cause, une sensibilité accrue au manque de luminosité propre à cette période de l’année.

Pour bien comprendre ce qui se passe chez les personnes souffrant de trouble affectif saisonnier (en anglais Seasonal Affective Disorder dont les initiales font SAD, qui signifie « triste »), il faut connaître l’impact de la lumière sur notre cerveau. Et oui : c’est bien la lumière qui est en cause. La lumière du jour influence la sécrétion de mélatonine, une hormone aux effets « hypnotiques » que notre corps fabrique le soir pour nous laisser glisser dans les bras de Morphée. Sa production suit un cycle classique durant la nuit, donc lorsqu’il fait sombre ; et lorsque le jour se lève et que l’on est soumis aux rayons de lumière naturelle, elle n’est alors plus fabriquée afin de favoriser le réveil, la vigilance, l’énergie, la tonicité… Bref, cela nous aide à nous réveiller en forme ! Le problème, c’est qu’en hiver, et tout particulièrement dans nos pays « nordiques », la luminosité diminue fortement et survient plus tard, souvent à une heure à laquelle nous sommes censés être déjà actifs. Du coup, il nous est plus difficile de sortir de notre torpeur nocturne et les personnes les plus sensibles souffrent alors d’une certaine apathie, voire d’une forme de dépression.

Blues ou dépression?

Les symptômes sont évocateurs: manque d’envie, apathie, envie de dormir plus longtemps, envie de grignoter, manque de concentration, manque de tonus et plus de fatigue en journée… Ce type de trouble semble relativement courant dans sa forme plus légère, comme le blues de l’hiver. Aux Etats-Unis, une étude évoque 1 personne sur 5 touchée, dont les trois quarts sont des femmes. Mais tout le monde ne ressentirait-il pas plus ou moins ces sensations à l’entrée de l’hiver ? « Plus ou moins, confirme Daniel Souery, psychiatre à PsyPluriel, à Bruxelles. Et ce n’est évidemment pas une raison pour s’en inquiéter ! » Le simple blues ne nécessite d’ailleurs pas de traitement, mais une adaptation de l’hygiène de vie : « Les conseils à donner sont de s’aérer, pratiquer des activités agréables, soigner son alimentation, avoir une bonne hygiène de sommeil, garder une vie sociale », enchaîne le Dr Souery. On ajoutera qu’il faut aussi pouvoir accepter des coups de mou, être capable d’écouter son corps et d’arrêter de tirer en permanence sur l’élastique de notre résistance physique et psychologique. Adapter ses activités pour coller un peu plus à nos besoins et notre bien-être ne pourra qu’être bénéfique.

«Par contre, si ce manque de tonus, cette fatigue ont un impact sur la qualité de vie, comme une difficulté à se concentrer et être productif, si le manque d’envie de sortir en famille ou entre amis mène à l’isolement social, et si le tout cause une souffrance morale, alors là, il vaut peut-être mieux envisager un traitement ! » Il est alors question ici de dépression hivernale. Elle touche 4 à 5% des personnes. « Les femmes sont trois fois plus concernées que les hommes. Une sensibilité accrue que l’on peut rapprocher de la dépression ‘classique’, c’est-à-dire non-hivernale », explique le Dr Daniel Souery. La question est donc de savoir si la dépression qui survient chez cette minorité est due à ce manque de luminosité qui nous touche tous, ou si ce dernier favorise l’émergence d’un état dépressif qui était latent… Une question qui n’est pas encore élucidée.

Ne pas choisir trop vite l’option traitement

Il s’agit donc de pouvoir faire la différence entre les formes de troubles affectifs saisonniers : est-ce un coup de blues ou une véritable dépression saisonnière ? « Les symptômes sont les mêmes, mais il y a une différence dans l’intensité, la durée et l’impact sur la qualité de vie. Dans le coup de blues, les symptômes durent moins longtemps, sont moins marqués et de ce fait gênent moins le fonctionnement quotidien des personnes concernées. Elles peuvent continuer à travailler, gardent une vie sociale normale en attendant le retour du printemps. Par contre, en cas de dépression saisonnière, les symptômes sont tels qu’ils ne permettent plus une vie normale… »

Bienfaits de la lumière

Puisque la cause est liée à l’intensité insuffisante de la lumière du jour, il est logique d’y trouver également la solution… Se soumettre à de la lumière artificielle pour compenser donne en effet de très bons résultats. La luminothérapie est efficace dans 75% des cas quand l’indication est bien posée… Mais attention, pas n’importer quelle lumière artificielle : fixer du regard le plafonnier ou sa lampe de bureau ne sera pas efficace ; pire : cela peut même être dangereux pour les yeux ! « Le traitement nécessite des lampes spécifiquement étudiées pour imiter la lumière du jour, à une intensité adaptée », insiste le Dr Souery. Il faut s’exposer à une intensité généralement de 10.000 lux – alors qu’une pièce bien n’éclairée atteint péniblement les 300 lux… – voire à un spectre particulier. La lumière « bleue » semble bien être la plus efficace. « Les appareils existent sous différentes formes, la plus courante étant le panneau lumineux à poser sur une table, par exemple pendant que l’on travaille ou qu’on lit… L’Université de Liège a pour sa part créé un modèle ‘portatif’, sous forme de lunettes. »

Des lampes sont vendues dans le commerce ; certaines sont de bonne qualité, mais pour s’en assurer, mieux vaut demander l’avis de son médecin. Leur problème reste leur prix : « Les bonnes lampes atteignent environ 300 euros, non remboursés ! Contrairement aux antidépresseurs. Pourtant, à long terme, le traitement par luminothérapie s’avère moins cher, car il est limité dans le temps. Par contre, il semble aujourd’hui que pour être vraiment efficaces, les antidépresseurs doivent être pris toute l’année… » Mieux vaut alors se tourner d’abord vers la luminothérapie à des doses et de moments convenus avec le médecin, et, seulement en cas d’échec, vers les médicaments…

Bien respecter les moments d’exposition

Comme pour un traitement médicamenteux, la dose et le moment de l’exposition à la lumière sont importants, et doivent être scrupuleusement respectés : c’est la raison pour laquelle il vaut mieux demander l’avis d’un spécialiste et ne pas improviser : « L’idéal est de s’exposer le matin, durant 15 à 20 minutes. Une exposition plus tardive risque de perturber l’horloge biologique et l’endormissement le soir venu, ou de générer de l’excitation. Il peut aussi y avoir d’autres effets, comme des picotements aux yeux, des maux de tête… Ces effets sont le plus souvent légers et transitoires. En présence de ces symptômes, il faut d’abord s’assurer que la durée et le moment d’exposition sont corrects, éventuellement les adapter. S’ils persistent malgré tout, on peut être contraint d’arrêter le traitement et opter pour un antidépresseur… »

Moins connue: la dépression estivale ?

Fait moins connu : la dépression saisonnière n’est pas nécessairement hivernale ! « Depuis peu, on constate qu’une bonne partie des personnes qui souffrent de dépression hivernale présentent un état similaire en été. Mais à la différence de sa version hivernale, on n’a pas pu établir de relation avec la lumière… », explique le Dr Souery qui hésite d’ailleurs à lui donner le nom de « dépression », considérant qu’il peut y avoir un lien avec les cycles des troubles bipolaires. Un phénomène méconnu, qui reste donc à étudier…